Le marché du financement de l’immobilier des professionnels continue de reculer en 2024, avec une baisse de 22 % des crédits accordés. Mais les acteurs restent présents, les opérations se complexifient, et de nouvelles dynamiques émergent sur certains segments comme la logistique ou la transformation d’actifs.
Une production de crédit en repli, mais pas un arrêt brutal
Pour la troisième année consécutive, la production de crédits immobiliers professionnels recule : –22 % en 2024, après –11 % en 2023 et –13 % en 2022. Cette tendance, relevée dans la 7ᵉ édition de l’étude annuelle de l’IEIF, témoigne d’un secteur encore fragilisé par la crise de la promotion résidentielle, l’incertitude réglementaire et le durcissement des conditions de financement. Les chiffres sont parlants : 23 milliards d’euros de crédits ont été accordés par les 25 contributeurs de l’étude, pour 105 Md€ d’encours total. Fait notable, les encours baissent également (–3 %), pour la première fois depuis le lancement de cette enquête de place en 2019.
La chute la plus marquée concerne la promotion immobilière, dont le financement décroît de 27 %. Ce segment paie un triple handicap : faible pré-commercialisation, risque permis/PLU et blocage des ventes. Seules les opérations très sécurisées (en bloc ou avec des réservations élevées) parviennent encore à mobiliser les banques.
Côté actifs corporate, le recul est aussi marqué (–17 %), mais l’appétit des prêteurs reste présent sur les bons dossiers. Dans un climat d’attentisme, la concurrence entre financeurs sur les opérations qualitatives reste vive.
Le refinancement, lui, tire son épingle du jeu. Il représente désormais 46 % des volumes, les banques consacrant jusqu’à 80 % de leur temps à ces opérations. Le pic de dettes à refinancer est attendu en 2026, avec 12 milliards d’euros arrivant à échéance rien que sur les actifs corporate. Les stratégies « amend & extend » sont privilégiées pour éviter les ventes forcées.
Banques, fonds et assureurs : chacun sa stratégie
Face à cette situation, les modèles d’intervention évoluent. Les banques renforcent le modèle « originate to distribute » : elles interviennent avec des tickets moyens autour de 65 M€, tout en syndiquant ou structurant avec des partenaires. Les fonds de dettes se montrent plus sélectifs, concentrés sur les grandes opérations avec un risque modéré. Quant aux assureurs, ils reviennent progressivement, souvent en cofinancement ou en back leverage.
Côté classes d’actifs, les bureaux hors zones prime restent sous pression, mais les localisations centrales comme Paris ou La Défense retrouvent des couleurs. Le résidentiel géré, la logistique, les hôtels ou encore les data centers attirent les investisseurs. Les actifs industriels liés à la réindustrialisation ou les reconversions (ex : transformation de bureaux obsolètes) séduisent également.
Sur l’ESG, le flou demeure. Tous les acteurs s’accordent sur son importance, mais réclament des standards plus lisibles. La BCE pousse à l’intégration systématique des critères ESG, mais les financeurs s’interrogent : faut-il financer seulement les meilleurs élèves ou aussi ceux qui s’engagent à progresser ?
L’IEIF ne prévoit pas de reprise avant 2027, notamment sur la promotion résidentielle. Le contexte électoral à venir freine les décisions, et les acteurs s’attendent à un écoulement lent des stocks. Pourtant, les fondamentaux restent solides : les marges reculent légèrement, les ratios LTV remontent modérément (60–65 %), et les acteurs démontrent une capacité à absorber les chocs.
Le message est clair : le financement reste disponible, mais il faut plus de temps, plus d’ingénierie… et beaucoup plus de sélectivité.
Source : IEIF – 7e édition de l’étude « Le Marché français du financement de l’immobilier des professionnels », 2025